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04.28.2015

La sixième ligne : deuxième partie

Surro et son équipe rampèrent le long du rebord de la falaise pour suivre l'homme de Bowenn. Garault suivait de loin, toujours visiblement choqué par la mort de Danak. Mais il avançait -- c'était tout ce que Surro lui demandait. Le soldat se précipita dans l'une des tentes grises situées à l'extrémité du camp. Les bannières pourpres de l'Empire encadraient l'entrée.

"Ivo doit être à l'intérieur," murmura Landai.

Surro acquiesça et sortit son macroscope pour regarder de plus près. Comme on pouvait s'y attendre, l'intérieur de la tente était quasiment vide, avec un simple bureau en métal et quelques chaises. Trois Impériaux se tenaient dans la pièce, en plus du soldat qu'ils avaient suivi. Un Twi'lek bleu était assis sur l'une des chaises. Il avait l'air nerveux, comme en témoignaient ses yeux jaunes qui passaient rapidement d'un soldat à l'autre. Comme il portait des habits de civil, Surro en déduisit qu'il devait s'agir d'Ivo.

"Vous le reconnaissez ?" demanda Surro, avant de passer le macroscope à Landai puis Onok.

Landai secoua la tête. "Il a l'air nerveux, non ?"

"On dirait un Balmorréen," dit Onok. "Je ne me rappelle pas l'avoir vu dans l'une des patrouilles."

Garault prit le macroscope d'une main légèrement tremblante. Il avait l'air absent. Surro attendit son avis, mais le Jedi demeura silencieux.

"Qu'est-ce que tu veux faire ?" demanda Landai.

Surro inspira profondément. Elle sentait à quel point ils étaient nerveux. Même Onok, d'habitude si calme et discret, avait soif de sang. Il était facile de succomber à ce désir de vengeance. Mais ils étaient des Jedi. Peu conventionnels, certes, mais des Jedi tout de même. D'un autre côté, Ivo leur posait problème. Il avait réussi à démasquer son meilleur éclaireur et il était visiblement dans les petits papiers de l'Empire. Il fallait s'occuper de lui, mais sans nécessairement recourir à un sabre laser.

"Il a pris les crédits," murmura Garault. Il pressait le macroscope tellement fort contre son visage que Surro était sûre que ça allait laisser une marque sur sa peau blanche.  

"Il nous faut plus d'informations," insista Surro.  

Landai soupira en se massant les tempes. "On ne va rien trouver en restant plantés là."

"Attention, il s'en va," dit Garault. Ivo sortit de la tente et se dirigea à toute vitesse vers l'extérieur du camp, tout en jetant des regards aux alentours.

"On va le suivre et voir où il nous mène," ordonna Surro. "Ne passez pas à l'offensive, même si l'occasion se présente. J'évaluerai la situation. On doit agir dans l'intérêt de la mission."

Ivo risquait de leur filer entre les doigts. Surro pensait pouvoir se fier au son du moteur à répulsion de son speeder pour le pister, mais le Twi'lek préféra se faufiler discrètement dans la pénombre à pied. Après être revenu sur ses pas plusieurs fois, Surro commença à craindre qu'il les ait repérés. Mais comme il continuait d'avancer malgré tout, il devait plutôt s'agir d'une habitude paranoïaque. D'un autre côté, elle n'allait pas le blâmer... Il était vraiment suivi, après tout.

Malgré sa stature et son état de choc, Garault se déplaçait aussi silencieusement que les autres membres de l'équipe. Surro essayait de ne pas le regarder ou de repenser à la façon dont la tête de Danak avait tressailli quand Bowenn l'avait abattu. C'était terminé. Surro avait connu des Jedi qui s'étaient remis en cause toute leur vie, en se demandant s'ils avaient fait le "bon" choix. Le bien importe peu. Un entraînement rigoureux lui avait appris à se détacher de toute émotion. Cet état mental lui permettait d'y voir plus clair et d'agir sans préjugé ni passion. La contemplation donnait naissance au doute, une porte ouverte sur d'autres émotions bien plus dangereuses.

Après deux heures de marche, ils aperçurent une petite cabane. Ivo disparut à l'intérieur et Surro indiqua à son équipe de s'arrêter.

"Landai, fais le tour et va voir s'il y a une entrée à l'arrière." La Mirialane acquiesça et Surro se tourna vers les hommes. "Positionnez-vous devant la porte d'entrée au cas où il essaierait de s'enfuir."

"Compris," répondit Onok. Surro s'attarda un instant sur Garault, attendant une confirmation de sa part. Après une légère hésitation, il acquiesça d'un bref hochement de tête.

Ils se déplacèrent rapidement et sans bruit, leurs pas se succédant à l'unisson. Une fois en position, Garault fit signe à Surro que la voie était libre.
Ivo était en train de préparer le dîner lorsque Surro enfonça la porte. Ses yeux jaunes parurent s'écarquiller au ralenti, puis tout s'accéléra lorsqu'il se précipita pour attraper son blaster. Mais Surro était plus rapide. Plus forte. Elle attrapa la jambe d'Ivo et le fit basculer d'un coup. Sa mâchoire heurta violemment le sol avec un sinistre craquement.

"Ne bouge pas," lui ordonna Surro, les sourcils froncés.

Ivo se figea et des larmes apparurent dans ses yeux. Surro craignit que sa mâchoire ne soit brisée. Elle se pencha pour lui prendre son blaster. "Est-ce que tu peux parler ?"

"Ça fait mal," articula Ivo d'une voix rauque.

"Bien." Surro se détendit. "Maintenant, réponds à mes questions."

Ivo acquiesça, ce qui le fit grimacer de douleur.

Surro se mit à arpenter la cabane de long en large. "Tu as livré un homme au camp impérial ce soir. Pourquoi ?"

"C'était un espion."

"À la solde de qui ?"

"De vous, apparemment," ricana Ivo.

Surro marqua une pause. "Je n'ai pas pour habitude de poser une question deux fois."

Ivo se recroquevilla en protégeant son visage blessé. "La Résistance ! Qui d'autre ?"

"Qui d'autre..." répéta doucement Surro. "Tu livrerais donc l'un des tiens ?

Ivo plissa le nez en signe de dégoût. "Les miens vont détruire cette planète ! Vous ne pouvez pas combattre l'Empire. C'est du suicide."

"Et la République alors ?" demanda Garault qui se tenait derrière Surro. Elle prit une profonde inspiration, la main crispée sur son blaster.

"La République ?" demanda Ivo, confus. "Peu importe comment on retourne le problème : elle nous a abandonnés."

Surro sentait la colère qui émanait de Garault, et elle savait quelles images passaient en boucle dans sa tête. "Comment l'as-tu capturé ?"

"Je suis discret. Personne ne me remarque." Ivo cracha un filet de salive mêlé de sang. "J'ai vu votre gars tourner autour des armureries. J'ai saisi l'occasion et j'ai attiré son attention."

"Comment ?"

Ivo haussa les épaules. "J'ai prétendu avoir la jambe cassée. Il s'est approché, pour m'aider je suppose, et je l'ai assommé."

Des flots d'énergies obscures émanèrent du corps de Garault. Pour la première fois depuis des années, Surro eut peur. Une peur à vous glacer le sang.

"Est-ce que tu savais qu'ils allaient le tuer ?" insista Garault.

Ivo ne répondit pas.

"Il le savait," murmura Surro. "Évidemment qu'il le savait."

Garault fit un geste en direction de son sabre laser. Surro bondit pour s'interposer entre lui et Ivo. "Garault... Point de place pour la contemp..."

"Arrête," grogna-t-il.

"Seul le devoir..."

Son arme en main, Garault déclencha le faisceau laser et soutint le regard de Surro. "C'était mon frère."

"Vous êtes des Jedi ?" s'exclama Ivo.

Surro garda son calme et tendit le blaster à Garault. "Point de place pour la contemplation, seul le devoir compte."

Garault hésita un instant à saisir l'arme, une expression de profonde anxiété sur le visage. Le bout de ses doigts entra en contact avec le métal froid. Surro sentit son cœur se serrer.

Après un long moment, Garault tomba à genoux et passa sa main devant les yeux d'Ivo. "Tu as trébuché alors que tu revenais de l'avant-poste impérial."

"J'ai trébuché alors que je revenais de l'avant-poste impérial," répéta Ivo d'un ton monocorde. Surro soupira et ferma les yeux.

"Tu ne nous as jamais vus," dit Garault, les dents serrées.

"Je ne vous ai jamais vus."

Les lumières vives des rues de Coruscant aveuglaient Surro. Elle fendait la foule d'un pas vif, pressée de retrouver le calme de son sommaire appartement. Après avoir tourné dans une ruelle, elle parcourut trois pâtés de maisons avant d'arriver devant la porte. Alors que Surro tapait le code d'entrée, elle sentit que quelque chose n'allait pas. Cela faisait des années qu'elle avait quitté la zone de combat sur Balmorra, mais elle n'avait jamais oublié son atmosphère si particulière.

Surro pénétra dans la pièce plongée dans la pénombre et attendit. "Qu'est-ce que vous voulez ?"

"Je suis impressionné," répondit un homme. "D'habitude, j'arrive toujours à prendre les gens par surprise."

"Je n'ai pas beaucoup de meubles."

Il émit un petit rire puis alla allumer les lumières. La clarté soudaine fit tressaillir Surro. L'intrus s'adossa à un mur, les bras croisés. Il portait une veste en cuir rouge et des implants cybernétiques autour de l'œil gauche. "Savez-vous qui je suis ?"

"L'agent Shan."

"Vous pouvez m'appeler Theron," répondit-il. "Votre équipe et vous avez fait du bon boulot sur Balmorra, vous avez posé les bases pour de futures victoires. Vous n'êtes pas comme les autres Jedi."

"Vous faites référence à notre surnom," répondit Surro, légèrement agacée.

Theron acquiesça. "'La sixième ligne'. Un mantra manquant du Code Jedi. C'est plutôt osé."

"Qu'est-ce que vous faites là ?"

"J'ai besoin de Jedi avec cet état d'esprit." Theron s'éloigna du mur et se campa devant Surro. "Totalement dévoués à la mission."

Surro hésita. Un lien très puissant s'était formé entre Garault, Landai, Onok et elle dans la cabane cette nuit-là. Elle savait qu'ils la suivraient quoi qu'il arrive, sans poser de questions. Mais l'espace d'un instant, elle se demanda si c'était vraiment une bonne chose.

"Où ça ?"

Theron lui tendit un rapport. "Sur Ziost."

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