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Shield


Dornick

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Dans le fracas des navettes qui vont et viennent jusqu'au spatioport, se meurent les échos des pas. La foule avance comme la houle se forme à la surface des océans, serpent qui avance de façon asynchrone, mais toujours comme un seul être.

Il est ici. Le lieutenant Basara, se tenant contre la barrière d'une terrasse dominant le hall du port Fonbs II de Nar Shaddaa, observait cette marche sourde. Elle prit un instant pour contempler la puissance évocatrice de cette multitude compacte. À-travers les grandes baies vitrées du hall perçait la lumière dure et orangée d'une fin d'après-midi. L'obscurité frappait une fois de plus à la porte du monde des hommes, et parmi ces derniers, un en particulier était une proie.

Le comlink de Basara vibra contre sa hanche, elle pinça le bord droit du col de son ample manteau et pencha la tête dans cette même direction.

« Ici Écho one, rapport.

- La cible vient d'arriver porte 61, répondit le transmetteur. Écho deux l'a eu en visuel. Faites attention, la foule est très dense et les services des douanes sont sur le qui-vive. Vous avez le feu vert pour interception. Écho zéro out. »

Basara vérifia la présence de sont blaster à l'intérieur de son manteau. Elle jeta un dernier regard furtif au ciel ocre, ses yeux résistant un instant à se détacher de ce spectacle. Elle sentit l'adrénaline affluer dans son organisme. Il était temps de lever le rideau.

 

« Mes papiers sont en règle, laissez-moi passer ! Je suis dans mon droit bon-sang ! »

Un humain, d'allure plutôt chétive et âgé d'une quarantaine d'années bloquait le passage au niveau de l'un des portiques qui menait à la sortie. Juridiquement, il n'était même pas encore sur Nar Shaddaa. Autour de lui, on se pressait et se bousculait. Bien des gens qui arrivaient sur cette planète le faisaient avec des motifs qui n'étaient pas les meilleurs, et il leur pressait de passer ces portiques, véritables arches de délivrance. À cet instant, ils pouvaient encore être rattrapés en toute légalité par leurs éventuels poursuivants.

L'odeur de sueur était frappante, et charriait des relents de peur. Basara dut presque retenir son souffle.Au sol, les sacs et les valises faisaient obstacle à quiconque souhaiter dépasser son voisin. Il fallut jouer du coude avec violence pour que la zabrak parvienne à se frayer un chemin, renversant un selkath et arrachant une poignée de jurons peu amènes à d'autres.

Plus que quelques mètres, il lui fallait agir vite, au risque de mettre en échec la mission. Elle était désormais suffisamment près pour distinguer les paroles de l'humain et du contrôleur.

« Faites pas d'histoire, le protocole est pas négociable. Sinon, je vais aller dire bonjour à mon copain là-bas. L'agent accompagna ces paroles en pointant son index vers l'objectif de la caméra qui les filmait, fixée sur le portique de sortie. Aussi les directives ont changé pour tous les ressortissants impériaux, je dois faire une vérification...

L'homme déglutit, et ne se laissa pas démonter.

- Ce n'est pas réglementaire, ça ! Rendez-moi mon passeport tout de suite ! »

À maintenant seulement quelques mètres, Basara pressa encore plus le pas et chuchota :

« Charge-moi les serveurs d'authentification du spatioport. Tout de suite !

- Bien compris écho one, répondit la voix dans son oreillette. Vous pouvez rejoindre la cible. »

 

Elle était enfin au niveau du voyageur, elle donna un coup de pied vif derrière le genou de la dernière personne qui la séparait de son objectif. Celui-ci s'écroulant dans un râle étouffé par le brouhaha, elle prit sa place, se collant juste contre le flanc de l'humain.

« Pardon, mais je dois vraiment causer avec cette personne avant qu'il n'entre, dit-elle avec un large sourire au contrôleur.

Ce dernier se tourna vers la zabrak, suspicieux.

- Rien à faire de ce que vous devez faire ou pas. Je dois d'abord avoir un putain de retour du serveur. Le contrôleur leva le menton en direction du voyageur. Et puis tu la connais vraiment, elle ? »

Pendant tout ce temps, le citoyen impérial était resté figé, paralysé d'effroi. Ne lui laissant pas de temps pour formuler une réponse ou même une pensée, Basara se pencha vers lui et lui glissa à l'oreille :

« Soit vous venez avec moi, soit ça se finit ici et maintenant. »

Pour seule réponse il bafouilla d'abord. Puis il se résigna à hocher la tête, sans oser un regard en direction de la personne à-côté de lui. Basara fixa alors le contrôleur.

« Vous voyez ? Maintenant, ne me faites pas perdre mon temps, nos affaires sont pressantes. »

Le contrôleur observa dubitativement la scène, mais se refusa de demander plus. Il tapota sur son terminal le retour qui devait lui annoncer que l'identifiant du passeport avait été authentifié et traité, mais cette réponse tardait à venir. Son regard allant et venant entre la zabrak et son écran, visiblement contrariée par le temps de réponse anormal. Rageusement, le contrôleur donna un coup de pied dans la borne sur laquelle reposait le terminal.

« Machine de merde, vociféra-t-il.

En réponse, Basara glissa ostensiblement sa main à l'intérieur de son manteau, et lui adressa un regard intimidant :

- Vous jouez avec ma patience, et je crois que vous n'avez plus beaucoup d'options.

L'agent portuaire recula vivement d'un pas.

- Oh, pas d'énervement ici ! Je suis pas payé pour me faire tuer à empêcher des gens de faire demi-tour. Prenez votre impérial et son passeport et dégagez d'ici ! »

Autour d'eux, l'agitation grandissait. Tous les portiques du hall refusaient de s'ouvrir, attendant de pouvoir enregistrer l'identité de chaque arrivant. Ça et là, on s'exclamait, criant au scandale, menaçant les agents du spatioport. Basara attrapa le passeport et l'humain et s'éloigna en trombe des portiques, arrachant encore une fois maintes injures à la foule. L'impérial tentait de résister au mouvement, mais elle le maintenait fermement devant elle, imprimant sans faillir le rythme de la marche. À quelques mètres, elle se retourna une ultime fois et cria à l'attention du contrôleur :

« Au fait, vous devriez appeler quelqu'un, il y a une personne qui s'est faite bousculer juste devant vous ! »

 

Ils avaient traversé la foule à une allure folle. Puis les rangs s'étaient fait plus clairsemés. Maintenant, ils n'y avait plus que quelques employés du spatioport en vue. Les deux fuyards étaient resté silencieux tout ce temps. Pour Basara, il s'agissait de la phase la plus critique du plan : il lui faudrait parvenir à quitter le bâtiment sans attirer l'attention. Or il n'y avait pas que les services de surveillance du spatioport qu'il faudrait éviter... Pour ne pas se faire remarquer plus que de raison, elle fit ralentir la cadence.

Basara prit un moment pour observer le ressortissant impérial. Il avait tout d'un fonctionnaire ayant des années de service. Son teint était devenu pâle et ses cheveux argentés avec les années de travail ; on devinait à travers ses vêtements sa relative faiblesse physique. Son regard était fuyant, il tentait de réfléchir malgré l'angoisse et la fatigue. Il était hors de question de le perdre, et Basara renforça son emprise à chaque fois qu'elle sentait l'humain s'éloigner de leur chemin.

« Vous êtes Farik Belius, assistant opérateur pour les renseignements impériaux depuis 17 années. Vous avez quitté votre poste depuis une semaine afin de fuir votre comparution en cour martiale et votre exécution.

L'homme s'arrêta net, mais cette fois, Basara lâcha son emprise et laissa un mètre de distance entre eux. Elle poursuivit :

« Vous avez volontairement transmis des information à l'ennemi Républicain concernant certaines carences de leurs systèmes défensifs sur plusieurs objectifs civils. Ce faisant vous avez bafoué votre loyauté à l'Empereur. Reconnaissez-vous ces faits ? »

Sur ces paroles, elle avait lentement sorti son arme de l'intérieur de son manteau et en pointait l’objectif sur la tempe de Belius.

L'homme regardait encore devant eux, ce chemin de liberté qui semblait s'étirer à l'infini puis se dérober sous ses pas, le laissant sombrer dans le vide. Personne n'était aux alentours. Au-delà des grandes baies vitrées, la lueur du jour se mourrait, laissant la couverture nuageuse comme un simple amas d'obscurité. Puis, pour la première fois, il se tourna vers elle et la fixa, longuement, avec dans le regard quelque chose qui frappa Basara, un mélange de désespoir et d'un ultime élan de défiance.

Farik Belius sortit de la sacoche qu'il portait en bandoulière -son seul bagage- sa casquette noire d'agent des renseignements impériaux, la garda en main quelques instants puis, sans même y jeter un regard, la laissa tomber au sol.

« Ce que vous pourrez me reprocher, gardez-le pour votre propagande. J'ai toujours eu foi en l'Empire, mais il est des atrocités qui ne doivent jamais avoir lieu.

Il déglutit avant de reprendre, essayant d'ignorer le blaster pointé sur son front.

« Cet univers entier est dans le faux ! Ce n'est qu'une lutte de maux aussi pires les uns que les autres. Et s'il ne vous reste qu'à me tuer, alors ne me laissez pas un instant de plus dans cet endroit nauséabond, un autre s'ouvrira à moi ! »

À cet instant précis, une détonation retentit dans ce hall désert du spatioport Fonbs II de Nar Shaddaa, accompagné du cri terrifié de Belius. Basara écouta avec émotion ces deux sons résonner ensemble, leurs harmoniques se mêlant et ricochant sur les parois. Et pourtant, bien vite, ce bruit mourut.

 

Au-delà des grandes baies vitrées, la lueur du jour avait disparu, et les lumières de la ville s'allumaient de plus belle, dessinant des volutes jaunes et blanches.

« Vous ne devriez pas perdre espoir vous savez, Farik.

L'impérial avait détourné la tête et fermé les yeux. Sans doute il était loin d'être aussi préparé à mourir qu'il le prétendait. Sentant les muscles de son corps se détendre, il remarqua à quelques dizaines de centimètres de ses pieds, l'impact encore fumant laissé par le tir du blaster.

- Je ne comprends pas, à quoi est-ce que vous jouez ?

Basara apprécia de voir son interlocuteur véritablement désorienté.

- Je suis envoyée dans le cadre du SHIELD, le programme républicain de défense des témoins et des transfuges. Nous sommes là pour assurer votre sécurité et vous faire sortir de cet endroit sans alerter vos collègues. Nar Shadda est une destination logique pour quelqu'un comme vous, ça ne leur échappe pas. Une fois que nous serons sorti, je vais vous conduire dans un endroit fiable, et nous allons vous construire une nouvelle identité. »

Belius resta muet, incrédule.

- Mais alors, à quoi ça rime ? Pourquoi le secret, pourquoi le coup de feu ?

- Ah ! Mais vous êtes un impérial, vous le méritez bien, non ? Allez, on devrait pas traîner ici. Un ami nous attend pour nous faire évacuer par une sortie de service. Et dernière chose, nous sommes au courant pour votre femme et votre fille ; on va essayer de les retrouver. Filons ! »

Elle se mit à courir, adressant à l'homme un étrange sourire facétieux. Belius resta quelques instant cloué sur place, contrit de perplexité. Mais comme par miracle, ses jambes se mirent en mouvement, et il déploya toutes les forces qu'il lui restaient pour rattraper la zabrak.

Aussi, sans vraiment se l'expliquer, il se sentit vraiment vivant, sans doute pour la première fois depuis bien longtemps.

 

 

SHIELD: Service for Hiding away Instructors, Exposed personalities, and Life-threatened Defectors. Section militaire républicaine au service de tous ceux qui se cachent de l'Empire et de ses sympathisants. Unité dédiée à la protection de toute personne civile menacée et de ses proches. Informateurs, transfuges, témoins...

 

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  • 4 months later...

Le taxi commença doucement à perdre de l'altitude, s'extrayant habilement de la circulation. Les navettes de la planète-cité affluaient avec aisance, se regroupant, se mêlant, se séparant encore, hématies se laissant porter dans ces artères, mues par les battements d'un même cœur. Derrière la vitre du véhicule, Farik Belius regardait défiler les lumières, les néons, la folle cadence qu'avait la vie ici. Toute cette agitation et ces projecteurs commençaient à accentuer sa migraine*: il était las, éreinté par sa course folle pour s'extraire de l'espace d'influence impérial. En cinq jours, il n'avait pas dormi plus d'une poignée d'heures et son organisme affaibli commençait à reprendre ses droits alors que le stress de la fuite retombait.

Il se sentait en sécurité en ce moment. Bien qu'il douta qu'il dusse faire confiance à ces gens, il était prêt à prendre le risque. Il voulait simplement retrouver la paix, le calme, se reposer. Sa famille aussi le préoccupait. Il devait les faire partir, elles aussi... Mais son esprit paralysé par la fatigue parvenait à peine à faire succéder une pensée à une autre. Il planait dans la vision hypnotique des néons et des reflets de la ville de Nar Shaddaa.

« Melna ! »

 

« Pas d'accrochage sur cette interception, le sujet est sain et sauf. Je dirais aussi que c'est peu probable qu'on nous ait pisté jusqu'ici. »

Basara était accoudée à la table du séjour d'une chambre d’hôtel, baignée dans la pénombre. Son profil vacillait avec la lueur bleutée des diodes de son appareil d'audio-conférence. Elle avait escorté Belius jusqu'à cette chambre, préalablement réservée. Maintenant, l'homme dormait d'un sommeil sans rêve dans la chambre adjacente. Pauvre homme, pensait-elle. Une épreuve telle que celle qu'il venait de traverser pouvait pousser à bout même les plus robustes et les plus endurants. La fatigue et la peur avaient progressivement anéanti ses réflexes, sa capacité de concentration, d'anticipation, mais aussi de jugement, le laissant plus que jamais vulnérable. Le transfuge devait se reposer à tout prix, mais la zabrak doutait fort qu'il connaisse un sommeil vraiment réparateur dès cette nuit.

« Bonne chose, Écho one, dit une voix à-travers l'appareil de communication. Les investigations se poursuivent concernant la femme et la fille de Belius. D'ici-là, il reste sous votre responsabilité.

- Entendu Ghost, je garde l’œil ouvert, comme toujours. »

Elle posa la main sur le verre de liqueur posé à-côté de son revolver, faisant orbiter les glaçons à la surface du liquide en jouant du poignet. Elle fixait la porte et le fin faisceau de lumière qui brillait sur le seuil. Doucement, elle reposa le verre et tâtonna vers le manche rugueux de son arme. Comme elle s'y attendait, ce contact la rassura et l'aida à se focaliser.

Elle constata du coin de l’œil que la transmission avait été terminée. La lueur se dissipa, la laissant seule dans l'obscurité la plus totale. Étincelait le fin fil de lueur provenant du couloir, vacillant aux rares passages dans le couloir de leur étage. Elle tenta de libérer sa nuque de l’engourdissement en la frottant avec la paume de sa main, mais ses muscles restaient sourds à ses tentatives. Elle regarda machinalement le cadran de sa montre, tentant de relativiser le temps qu'il lui restait à attendre jusqu'au matin.

Le temps passait avec une lenteur sadique, mais rien ne la détournerait de cette porte. Cette nuit, personne ne viendrait les troubler sans y laisser la vie.

 

Pour Farik Belius, dormir cette nuit fut presque une expérience douloureuse. Comme si son système nerveux ne pouvait plus répondre correctement à l’appel du sommeil. Son repos fut agité de spasmes, d’hallucinations. Des émotions à la fois erratiques et violentes s’imposaient à lui, alors qu’il semblait lui-même étranger à ces dernières, incapable d’en extraire le sens. Nageant dans les limbes, il traversait la dernière étape de sa folle évasion. Quand le jour se lèverait, il ne serait plus vraiment le même. Sans même s’en rendre compte, il comprendrait le sens de la mise en scène de l’agent du Shield. Il se vit seul, debout au milieu de ce hall désert du spatioport, baigné dans la lueur orangée du soleil mourant de Nar Shadda. L’écho d’un tonnerre vibrait encore dans l’air. Baissant le regard, il vit son ombre se tordre, se déchirer et se défaire de son corps, alors que le soleil filait dans le ciel, se cachant derrière l’horizon. Le corps sombre prit alors forme sur le sol, devenant son propre cadavre, baignant dans une marre de sang noir. Il voulut s’approcher afin de distinguer les traits de son visage, mais le cadavre s'éventa dans un vol de cendre. La vision s’évanouit, et il replia sa conscience sur lui-même, observant le changement en lui. Ce qu’il pensait être lui était mort depuis son acte de trahison et n’était en fait qu’un cadavre qu’il avait traîné avec lui toute sa cavale durant. Se défaire cet ancien lui était la clé qui lui permettrait de continuer à vivre.

 

Les paupières de Belius se levèrent alors que le jour s’était levé depuis de longues heures. Son mal de tête ne s’était pas dissipé dans la nuit, et il lui fallut quelques moments pour se résoudre à se lever. Il repoussa le drap du lit double de la chambre, puis à l’instant où ses pieds nus touchèrent la moquette du sol, il sentit qu’on s’approchait vers la porte.

Basara frappa deux fois à la porte, puis attendit une réponse. Belius restant muet, elle soupira.

« C’est moi Belius. Il faut qu’on parle, je peux rentrer ?

L’humain resta silencieux quelques instants, le temps de reprendre ses esprits. On l’avait couché sans le déshabiller. Il se doutait qu’il avait dû s’endormir très rapidement après leur arrivée dans l’hotel. Passant ses mains dans ses cheveux, il se résolut enfin à répondre.

- Oui, attendez un peu, j’arrive.

Il se racla bruyamment la gorge, libérant sa trachée du mucus accumulé dans son sommeil. Après avoir ouvert la porte, il retourna vers le lit, le pas lourd, et s’y assit, regardant ses pieds.

« Que voulez-vous, demanda-t-il ?

- Nous devons discuter de la suite des évènements. C’est rapide, je sais, mais on doit s’assurer que personne ne pourra vous retrouver. Plus le temps passe et plus cela deviendra compliqué.

Basara fit mine de s’approcher du fugitif, mais en prenant soin de lui laisser suffisamment d’espace.

« Vous devez comprendre que votre changement d’identité doit être un choix définitif, poursuivit-elle. Vous devrez tirer un trait sur tout ce que vous avez pu être, et en même temps accepter sans discussion toutes les contraintes de votre nouvelle vie. Il en va de votre sûreté ainsi que de celle des autres bénéficiaires de ce programme.

- Dans ce cas, je ne serais pas le seul ?

Basara lui adressa un sourire étrange puis secoua la tête avant de répondre :

- Même si j'en ai trop dit, je ne peux pas vraiment répondre à cette question. Le Shield sera toujours votre seul interlocuteur possible si vous rencontrez des difficultés dans votre insertion ou si vous vous sentez menacé. Tels sont les termes de l’accord. Ils ne sont pas discutables et leur acceptation est définitive... Le choix est vôtre. »

Farik Belius pesa en quelques instants les tenants et les conséquences possibles d’un tel choix. C’était lui qui avait bafoué les siens, et à cet égard il ressentait toujours de la culpabilité. Ce sentiment était renforcé par les risques qu’il faisait prendre à sa famille. Mais il ne pouvait plus faire machine arrière. Sa paix intérieure dépendait de l’acceptation de la disparition de tout ce qu’il avait pu être dans le passé. Cette pensée l’aiderait à avancer malgré le doute qui refusait de s’évanouir.

« Que comptez-vous faire pour ma famille ? J’ai une femme et une fille, et je demande que vous me donniez des garanties les concernant.

Il venait finalement de lever son regard vers la zabrak, brûlant d’une détermination qui frappa cette dernière. Basara salua intérieurement la combativité de cet homme qui venait de traverser l’enfer, et qui ne reverrait sans doute pas tout de suite la lumière du jour.

- Je ne suis pas en charge de cette partie de la mission, mais je sais que mes collègues recherchent activement vos proches.

Remarquant la déception de son interlocuteur, elle se dépêcha d’ajouter :

« Mais dès qu’on les aura retrouvés, vous serez mis au courant.

Un lourd silence s’abattit. La discussion n’avançait plus et Basara sentait Belius de plus en plus indécis. Néanmoins, non sans la prendre de cours, il reprit la parole.

- Les termes de cet accord devront être rediscutés. Même si le compte n’y est pas pour le moment, admettons que je donne mon accord de principe.

Basara resta bouche bée. Décidément, cet individu était bien plus résilient qu’elle ne l’aurait pensé au premier abord. Mais en somme, c’était très positif. Ses yeux se plissèrent et elle lui adressa un sourire chaleureux :

- Vous voulez dire que vous me faites confiance ? »

L’homme resta silencieux quelques instants, détournant de nouveau le regard. Oui, il reconnaissait le changement qui s’opérait en lui et l’éloignait de ce qu’il avait été, avec plus de hâte que ce qu’il avait escompté.

 

« En plus de l’identité complète qui vous a été fournie, le Shield met à votre disposition un moyen de contact avec l’agent qui assure votre suivi ; qui en l’occurence, n'est autre que moi.

La journée battait son plein désormais. Après avoir fait monter dans la chambre un repas frugal, ils étaient en train de boire un café instantané au goût amer, attablés dans le petit salon jouxtant la chambre.

« Aussi bonne soit une couverture, on ne peut malheureusement pas assurer que celle-ci soit infaillible. Aussi, le facteur humain implique que vous risquez de commettre des erreurs dans votre nouvelle vie. La majorité de celles-ci ne seront pas relevées par votre entourage, parfois elles provoqueront de l’étonnement. Mais certains cas marginaux peuvent aboutir un désastre, non seulement pour vous car vous devriez rendre des comptes, mais également pour le programme en lui même. Dans ces cas, et dans ces cas seulement, vous êtes autorisé à rentrer en contact avec le Shield. Comprenez que chaque tentative de contact non requise par la situation met inutilement en danger votre couverture.

Belius, assis sur sa gauche, les jambes croisées, un coude posé nonchalamment sur le coin de la table écoutait, silencieux. Son visage était tendu, marqué, signe de la fatigue qui l’étreignait encore.

- D’accord, pas d’appel inutile. Mais comment je peux distinguer une impression paranoïaque d’une vraie compromission de mon identité ?

- Question rhétorique. Comme vous le savez, il n’y a pas de réponse ni de méthodologie à ce problème. Nous faisons confiance à votre intelligence, et il en est de même pour chacun des bénéficiaires.

L'ancien impérial seccoua sa main en l'air pour mettre un terme à la digression.

- Et sinon, ce moyen de contact ?

Basara tendit un terminal à Belius, attendant avidement sa réaction. Mais ce dernier, en bon employé de la bureaucratie impériale, n'en montra pas le moindre signe.

« Un portail de vente de... matériel érotique pour... sullustains. Ce truc vraiment sur l'extranet ?

La zabrak exulta en voyant Belius finalement esquisser un haussement de sourcils gêné. Il en fallait beaucoup pour susciter ce genre de réaction chez un transfuge impérial.

- C'est une couverture éprouvée, comme vous pouvez l'imaginer en admirant l'exotisme et la puissance évocatrice de l'écran d'acceuil. Qui plus est, c'est une plateforme marchande fonctionnelle !

- Vous voulez dire qu'on peut effectivement avoir un de ces...

- À très juste titre, cela permet de parfaire l'illusion.

- Et il y a vraiment des gens qui ont acheté ces choses-là?

Belius n'obtint pour seule réponse qu'un large sourire satisfait. Après avoir savouré cet instant, Basara se recentra sur l'objet de leur discussion.

- Pour nous contacter, il suffit de remplir le formulaire pour demander le catalogue, en nous précisant une adresse quelconque dans votre secteur. Utilisez un pseudonyme et non votre fausse identité. De là, on se chargera de vous retrouver. »

 

Bien loin des quartiers surpeuplés de Nar Shadda, dans une chambre faiblement éclairée, le Ghost se tenait debout, dans une posture rigide, les bras croisés dans le dos. Une silhouette vint dans sa direction et lui tendit une enveloppe. Le Ghost s'empara de l'enveloppe et son porteur prit congé, sans souffler un mot. De nouveau seul, le Ghost ouvrit le courrier. Il contenait un jeu cinq photographies. Le Ghost les passa minutieusement en revue, constatant avec effroi la cruauté de la mise en scène. Les photos ondulèrent avec grâce dans les airs avant de glisser sur le sol et arrêter leur course dans un délicat bruissement.

« L'Empire s'est emparé de Melna et Isaria Belius et compte s'en servir comme monnaie pour leur chantage. Je crains que les choses ne deviennent bien compliquées. »

Edited by Dornick
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